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Comment fêter Lugnasad de nos jours: activités et rituels pour le 1er août
Dans les deux précédents articles, je vous ai raconté en détails les origines celtes de la fête païenne de Lugnasad puis son évolution dans l’Irlande traditionnelle et sa transformation en « Garland Sunday ».
Cette fête, particulièrement joyeuse, marque une forme de point culminant: le solstice d’été (Litha) a eu lieu peu de temps avant et même si les jours raccourcissent, les journées restent longues et chaudes bien que la descente vers le début de la saison sombre (Halloween) s’annonce déjà.
Il est toujours difficile d’adapter une fête très ancienne à notre mode de vie moderne. Alors, découvrons ensemble comment célébrer Lughnasadh ou Lammas
Les traditions de Lugnasad
La tradition celte: Lughnasadh, une fête royale
Revenons très rapidement sur les différentes traditions liées à la fête du 1er août, et en tout premier lieu la tradition celte.
Dans l’article sur la Lughnasadh celte, nous avons découvert l’histoire de Tailtiu, reine et déesse de la mythologie celte dont la principale légende nous raconte comment elle est morte d’épuisement en défrichant une forêt pour offrir à ses sujets une plaine à cultiver.
En son honneur, le puissant dieu Lugh, dont Tailtiu était la nourrice, institua la fête de Lughnasadh et des jeux funéraires qui commençaient 14 nuits avant le 1er août et se terminaient 14 nuits après.
Cette fête, qui se déroulait sous l’égide du roi, était joyeuse malgré son caractère funéraire. On y pratiquait des jeux sportifs, il y avait des concours de chant et de poésie. La fête était accompagnée d’une grande foire : c’était l’occasion de contracter des alliances, qu’elles soient économiques ou matrimoniales.
On a vu également que les autres légendes celtes qui tournent autour de cette fête de Lugnasad ont toutes un point commun: la mort d’une femme.
On s’est d’ailleurs rendus compte que la Lugnasad celte était sans doute la réminiscence d’une fête plus ancienne et pastorale qui fêtait la moitié du temps de pâture (la montée aux pâturages se faisait le 1er mai avec Beltaine et se terminait avec Samhain).
La tradition irlandaise: Lammas day ou Garland Sunday
La tradition irlandaise a, comme souvent, conservé une partie des éléments de la fête celte et préceltique, notamment sa date mouvante entre le 15 juillet et le 15 août.
Le Lammas day ou Garland Sunday se fêtait traditionnellement en plusieurs étapes en Irlande: tout d’abord avec un bon dîner à base de pommes de terre, celles qui viennent d’être tout juste récoltées, un dîner qu’on partage avec les amis et voisins. S’ensuit un pèlerinage vers une rivière, une source ou un puits mais plus souvent vers un ancien site sacré dans la montagne où l’on se rassemble pour diverses activités dérivées des traditions celtes: sport, jeux, chants. Enfin, la célébration du garland sunday était l’occasion de diverses foires dans tout le pays.
Lammas, c’est aussi traditionnellement la fête des récoltes – et non pas des moissons -, principalement celle des pommes de terres et des baies sauvages.
Cette fête, placée sous le signe de la communauté au sens large, est une fête de plein air, marquée par le partage. Elle est surtout particulièrement joyeuses: les récoltes sont là, les moissons vont commencer, pour la première fois de l’année le spectre de la faim (voire de lui de la famine) s’éloigne. C’est l’abondance!
Les autres traditions: Hlafmaesse et les traditons locales des Highlands
Les traditions de Lugnasad (que, de nos jours, on appelle beaucoup plus par son nom moderne britannique Lammas) se sont notamment développées avec les migrations. Ainsi, la migration des populations germaniques et danoises a donné naissance à une adaptation de Lughnasadh appelée Hlafmaesse (« la messe de la miche de pain »). C’est d’ailleurs de ce mot dont est dérivé le nom « Lammas ». Cette célébration est en lien avec les prémices de la récolte de blé. En effet, probablement du fait de la technologie qui a permis d’avancer la date des moissons, Lammas, qui était une fête des récoltes, est belle et bien devenue une fête des moissons. On notera que le fait d’enterrer ces prémices des récoltes, tradition que l’on retrouve à de nombreux endroits, se retrouve également dans la tradition irlandaise avec ce que l’on appelait « la dîme pour l’Autre-Monde », qui consistait à donner un peu des récoltes au peuple du monde souterrain.
Dans les Highlands (Écosse), on fabrique des croix de sorbier à Lammas qu’on pend en suite au dessus des portes en guise de protection (pour la petite histoire, le sorbier est l’une des plantes des druides: les Celtes ne sont jamais loin!). Ce sont des croix très simples: deux branches de même taille maintenues ensemble par un fil rouge ( je vous le dis parce que je n’ai pas trouvé de photo libre de droits).
La queue et les oreilles des vaches sont peintes de goudron et enrubannées de fil bleu ou rouge et l’on fait des charmes magiques sur les pis de vaches (traditions qui existent par ailleurs en Irlande pour Imbolc )
Toujours en Écosse, autre grande nation celte, on cuisine les bonnach Lunastain, c’est-à-dire des bannocks de Lugnasad (les bannocks sont des pains très simples et rapides à faire). Ces bannocks-ci sont, vous vous en doutez, réalisés avec les premier céréales moissonnés. Traditionnellement on les grignote en lançant des petits en morceaux successivement par dessus l’épaule droite puis l’épaule gauche, en offrande aux prédateurs pour qu’ils épargnent les troupeaux..
Enfin, certains fabriquent une Biddy , une poupée de grain en tous points semblable à celle qu’on fabrique à Imbolc.
Il existe encore beaucoup d’autres traditions, la plupart liées aux récoltes selon les spécificités des différentes régions.
Le Lammas néopaïen
Dans le néopaganisme, il existe de nombreuses pratiques en fonctions des courants (Wicca, reconstructionnisme celte, druidisme moderne etc.).
On considère en général Lammas comme la fête de la première des trois moissons, la seconde étant Mabon (21 septembre) et la troisième étant Samhain/Halloween pour les moissons tardives (31 octobre).
De même les différentes conceptions de Lammas selon les mouvements néopaïens ont de nombreuses notions communes comme l’abondance, la fertilité, la protection, la gratitude envers la nature et la réflexion du fait de l’automne qui arrive.
Partage, abondance et joie: activités et rituels pour fêter Lughnasadh de nos jours
Nature et plein air: fêter Lammas à l'extérieur
Tout d’abord, rappelons que si, dans la mouvance néopaïenne, Lugnasad se fête à date fixe (le 1er août), la tradition nous montre qu’on peut la fêter entre le 15 juillet et le 25 août.
La plupart des traditions en lien avec Lammas se rejoignent sur un point: c’est une fête de plein air, d’autant qu’on est à la saison où la nature est la plus généreuse. Ce serait dommage de rater ça!
Évidemment, la première activité que l’on peut pratiquer pour célébrer ce moment particulier, c’est, comme à chaque sabbat, d’aller tout simplement se promener et profiter des beautés offertes par la Nature. Une promenade dont on peut profiter pour cueillir des baies sauvages mais attention, seulement si vous savez exactement ce que vous cueillez ou si vous êtes accompagné.e par quelqu’un qui s’y connait! De même, pensez à faire une récolte responsable en en laissant pour les autres mais aussi de manière à ce que la nature ait ce dont dont elle a besoin pour recommencer son cycle.
La promenade peut aussi être l’occasion de ramasser de jolis trésors: un bâton avec une forme inhabituel ou un caillou particulièrement brillant (toujours en respectant l’environnement bien sûr, s’il y a de la vie sous le caillou, on ne le prend pas).
Si vous êtes versé.es dans l’art magique des herbes, Lammas est aussi un très bon moment pour partir à la cueillette d’herbes médicinales, même si le meilleur moment de l’année pour ça reste Beltaine.
La cueillette étant une activité typique de Lughnasah, si vous n’avez pas de bois près de chez vous ou de jardin, pourquoi ne pas aller dans les fermes spécialisées qui propose la cueillette de fruits de saison?
Resserrer les liens: Lughnasadh, une fête communautaire
Je l’ai évoqué dans le second article sur Lugnasad: le mot « nasad » signifie à la fois « assemblée » et « liens ». Car c’est le mâitre-mot de cette fête particulière: célébrer les liens. Alors sortez, voyez des gens, appelez vos amis, la famille! Et pourquoi ne pas fêter Lammas autour d’un repas ou d’un pique-nique?
Si la Lughnasadh celte n’était pas du tout marquée par des festins (contrairement à Samhain), son évolution en Irlande a donné lieu à une forte tradition de repas communautaire, de festin partagé, notamment avec ceux qui n’ont pas forcément de quoi en préparer un.
Que mettre au menu de votre repas? Pour être tout à fait dans les énergies de Lammas, mieux vaut cuisiner des légumes de saison et du frais. Vous pouvez toujours tenter la recette du colcannon et du boxty bread irlandais ou bien concocter des petits bannocks écossais. Mais n’oubliez pas de mettre les fruits à l’honneur! C’est la saison des tartes et des confitures!
Lammas est le moment de faire la fête dehors avec plein de gens, danser et chanter comme les celtes et organiser des jeux pour tous.tes. Bref, créer du lien.
En parlant de liens, rappelez-vous que Lughnasadh était une date privilégiée pour se marier et vu la saison, elle semble toujours idéale!
Lugnasad à la maison
Évidemment, tout le monde n’a pas la possibilité – ou l’envie – d’aller faire de grandes balades dans la nature ou de grands repas.
Dans ce cas, cuisinez pour vous! Comme les agriculteurs qui commencent les récoltes et les moissons, Lammas est le moment propice pour préparer des conserves et des confitures qui seront autant de réserves pour le reste de l’année.
Et pourquoi ne pas décorer votre chez-vous avec de la déco faite maison aux couleurs du soleil?
Dans le même ordre d’idée, on peut confectionner une poupée de grain pour compléter le tableau.
Si vous arrivez à récupérer des plantes, un petit atelier herboristerie s’impose: on fait sécher les plantes fraîches la tête en bas.
Abondance et dépouillement? Des rituels pour Lammas
Les rituels étant quelque chose de très personnel, à vous de voir lesquels vous correspondent le mieux.
À Lugnasad, beaucoup de rituels se font, sans surprise, à l’extérieur, en haut d’une colline ou près d’un cours d’eau, de préférence à l’aube et au crépuscule. Pourquoi? Lammas est le moment où l’on récolte les fruits, les céréales, les herbes pour les transformer. C’est un moment fort de transformation, tout comme l’aube et le crépuscule au sein de la journée lors desquels la nuit se transforme en jour et inversement.
Le rituel le plus évident est celui de l’offrande des prémices, les premiers fruits de votre cueillette par exemple. Pour cela il suffit de les enterrer, rendre à la terre une partie de ce qu’elle vous a donnée.
D’une manière générale, tous les rituels liés à l’abondance, à la prospérité, au changement et à la transformation sont favorisés. Si vous voulez abandonner une habitude nocive et en adopter une plus saine, c’est le bon moment!
Quid de la divination qui revient quasiment comme activité privilégiée à chaque sabbat ? Lughnasadh étant focalisée sur l’extérieur, la divination n’est pas l’activité la plus adaptée et n’est pas non plus traditionnelle à cette période. Mais un petit tirage de carte n’a jamais fait de mal à personne! J’ai vu qu’il existait des méthodes de divination avec des grains de maïs pour cette période de l’année mais ces méthodes viennent du Mexique et, étant déconnectées de notre culture, j’ai choisi de ne pas les développer ici, mais sachez qu’elles existent.
Enfin, je souhaiterais revenir sur un dernier aspect de Lammas selon le néopaganisme avec lequel je suis en désaccord: c’est l’association de Lughnasadh avec l’idée de dépouillement. En effet, étant donné que les jours décroissent et qu’on retourne doucement à la saison sombre, beaucoup de mouvances néopaïennes considèrent Lammas comme un moment de bascule où il est nécessaire de rentrer dans l’introspection. Pour moi c’est tout à fait contraire à l’esprit de cette fête. D’une part, il existe un autre sabbat – 100% néopaïen en plus – avant l’entrée dans la saison sombre à Samhain/ Halloween: Mabon, qui propose justement une entrée en introspection en parallèle de la mise en sommeil progressive de la nature. D’autre part, la tradition de base, qu’elle soit celte ou irlandaise, est très claire: c’est une fête joyeuse. Même la Lugnasad celte, qui est quand même une fête funéraire, est un moment de partage et de jeux. Et même si c’est une fête de « l’automne », n’oublions pas qu’en Irlande on célèbre alors le seul moment de l’année où la menace de la faim s’éloigne. Il y a de quoi se réjouir!
Alors exit l’introspection et le retour à soi-même, on aura le temps de faire ça plus tard. Profitons maintenant de la nature à son apogée et de la compagnie de nos semblables!
Ainsi se fête Lammas/Lugnasad, la fête des récoltes devenue première fête des moissons, avant la seconde fête des moissons et la célébration de la gratitude envers la nature avant son sommeil: Mabon.
N’oubliez pas que vous trouverez dans la boutique des dessins pour vous accompagner au cours de la roue de l’année et, pour cet été, adoptez la lumineuse sorcière de l’été pour vous accompagner dans vos rituels!
Joyeuse Lughnasadh!
Hisae
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Sources
- Mélanie Marquis, Lugnasad: rituels, recettes et traditions de la fête des moissons, Éditions Danaé, 2017.
- Jack Parker, Witch please, J’ai lu, 2020
- Jane Meredith, Les rits et célébrations de la roue de l’année, Éditions Danaé, 2019.
2 comments
Tournesol
Toujours un plaisir de vous lire.j’adore les mythologies et c’est vrai que les celtes ne sont pas les plus connues.
Cécile RanvierAuthor
Merci! Moi-même je découvre un peu plus la mythologie celte à chaque article!