De Beltaine à May Day: les traditions irlandaises du 1er mai
Comme pour les trois autres grandes fêtes celtes (Samain, Imbolc et Lughnasad), la célébration de Beltaine n’a jamais complètement disparu, encore une fois grâce à la christianisation très tardive de l’Irlande, lors de laquelle les traditions celtes se sont intimement mélangées à celles de la nouvelle religion monothéiste.
D’ailleurs, il y a quelques décennies encore, la fête traditionnelle irlandaise du 1er mai connue sous le nom de May Day était encore appelée Là Beltene ou bien CetSamain, en référence à Samain (Halloween) à laquelle elle fait écho dans le calendrier celte.
Finalement assez peu touchée par la christianisation comparativement au Saint Brigid’s day par exemple, la Beltaine irlandaise a survécu dans la société traditionnelle rurale en gardant la substantifique moelle de la fête celte: l’importance de la santé et de la protection pour assurer le retour à la fertilité ainsi que le pouvoir exacerbé des puissances invisibles à travers le feu et l’eau.
May Day: le retour au travail et l'espérance de la fertilité
On l’a vu dans l’article précédent, Beltaine, ou May Day, est célébré le 1er mai, mais dans certaines régions, à cause des changements de calendrier, l’ancien été celte est célébré autour du 12 mai (on retrouve d’ailleurs la même problématique de date avec Halloween).
Et en France me direz-vous? Eh bien nous aussi avons conservé pendant longtemps les mêmes traditions que l’Irlande… mais elles ont opéré un glissement plus important puisque on les célèbre du 23 au 24 juin, lors des feux de la Saint-Jean, un glissement qui s’explique par le passage du calendrier lunaire celte au calendrier solaire, déplaçant ainsi les traditions du 1er mai au solstice de juin.
Travail, foires et danses: le retour à la vie sociale en Irlande
May Day était un jour très important en Irlande, une sorte de second nouvel an. Le 1er mai et le mois de mai en général marquent officiellement, et en tout premier lieu, le retour au travail agricole à plein temps après les six mois de la saison sombre.
Les bêtes sortent de leur étables, c’est la fin du nourrissage au foin, le début de l’année des vachers, la reprise de la transhumance et le début de la saison des foires, très importante dans la société traditionnelle irlandaise. Entre le 1er et le 12 mai, les foires d’embauche reprennent aussi et permettent de retrouver du travail jusqu’à Halloween (retour de la saison sombre), ou jusqu’à May Day suivant.
Tout comme Halloween, May Day marque les échéances de paiement: loyer, termes des baux, renouvellement du personnel ou non, paiement des dettes, du droit de pâture, reconduction des contrats, etc. Héritières des anciennes assemblées celtes, les foires irlandaises, moments d’échanges de biens et de marchandises, sont incontournables.
Les vaches sont de nouveau laissées dehors et mangent l’herbe fraîche, elles ont alors d’autant plus de lait: c’est l’abondance, du moins une abondance espérée avec angoisse après les dernier mois à vivre sur les réserves – parfois maigres – des récoltes de l’année passée.
Et même si mai est un mois déterminant pour le retour au travail, le 1er mai est souvent chômé car, nous le verrons, il faut faire très attention en ce jour où les puissances invisibles sont plus fortes que jamais. Quant aux semences, il est dit qu’elles doivent déjà être faites avant May Day car on raconte que tout recommence à pousser après cette date!
Le moi de mai marque le début du beau temps, les enfants allaient pieds nus à cette date au début du XXe siècle. On commence à extraire la tourbe, à nettoyer les puits.
Mais c’est aussi et surtout le début d’une vie sociale différente. On ne fait plus de veillées au coin du feu, on sort, on se rassemble pour des balades. C’est aussi le début de la saison des bals où l’on danses le step, le reel ou le jig.
D’ailleurs, savez-vous que les autorités ecclésiastiques irlandaises ont tout fait pour essayer de supprimer les bals de mai jusqu’à une époque assez récente? Eh oui, car l’amour que portent les irlandais à la danse est profondément liée à leurs racines celtes et, immanquablement, au coté religieux de la fête de Beltaine.
À May Day, dis-moi le temps qu'il fait, je te dirai le temps de l'année!
À partir du mois de mai, les regards inquiets sont tournés vers le ciel autant que vers le bétail: de la météo dépendront les récoltes, et des récoltes dépendra la survie de la population. Mai est considéré comme un mois dangereux où les mauvais esprits se déchaînent, notamment à travers les éléments. C’est pourquoi le temps du 1er mai est scruté et nombre de dictons prédisent la météo des prochains mois à partir de celle de May Day. En voici quelques exemples.
Curieusement, c’est un bon présage qu’il ne fasse pas beau début mai car, en Irlande, on espère un temps humide et venteux qui fait croître l’herbe et empêche la pourriture de s’installer. Toutefois, si le jour du 1er mai est ensoleillé, ce n’est pas un problème!
Mai est également le mois du vent. Si, en France on observe le vent des Rameaux (qui sera le vent dominant de l’année), en Irlande on observe le vent aux quatre changements de saison, et particulièrement celui de May Day qui sera le vent dominant des six prochains mois. On redoute surtout le fameux vent des fairies (vous vous souvenez, ce sont ces êtres surnaturels, réminiscence des anciens dieux et déesses celtes, esprits de la nature, créatures maléfiques ou bénéfiques mais puissantes parmi lesquelles les irlandais placent aussi parfois les défunts). Le vent des fairies est réputé violent mais ne souffle qu’en un endroit précis alors que tout est calme aux alentours. Cette propriété est d’ailleurs la même que le vent druidique des Celtes. Le vent irlandais est donc considéré magique!
L’eau de mai, comme celle de novembre pour Halloween, est elle aussi scrutée. Si les rivières montent à May Day, le temps sera humide pendant six mois. Les marées de mai sont très redoutées à tel point qu’il est déconseillé de partir pêcher le 1er mai au risque de périr noyé.
Quant au soleil, il était assez peu regardé. On l’a évoqué dans l’article précédent, Beltaine n’est pas une fête solaire. On prête plus attention à la lune qui, rappelons-le, est responsable des marées tant redoutées. On dit d’ailleurs que si la lune est brillante en mai, c’est un bon présage!
La bénédiction de May Day: protéger les champs et le bétail
Vous l’avez compris, au mois de mai, la société traditionnelle irlandaise était concentrée sur la fertilité des champs et des bêtes, dont dépendaient les récoltes de céréales, le lait et le beurre. La protection des espaces et du bétail était donc indispensable.
Pour cela, les fermiers Irlandais, leur femme ou le prêtre de la paroisse bénissaient les terres, les bâtiments (maisons et étables) et le troupeau, le plus souvent avec un rameau béni lors du dimanche des Rameaux et de l’eau bénite conservée depuis Pâques.
Il était courant de voir les fermiers faire donner une messe privée chez eux (un reste de la période 1695-1727 où la pratique catholique était interdite en Irlande). Lors du 1er mai, le repas est souvent suivi d’une prière pour la protection du bétail.
Voilà pour les pratiques résolument chrétiennes. Elles étaient toutefois accompagnées de gestes issus de la tradition celte précédente. Ainsi, il était courant de voir la femme du fermier bénir le champ pendant que le fermier en faisait le tour avec une chandelle. On accrochait des rubans rouges aux queues des vaches pour les protéger et on frottait de la ciguë d’eau sur leur pis pour protéger le lait du malin lièvre-trayeur dont nous reparlerons.
On sent bien qu’il n’est plus question ici de bénédiction chrétienne mais de protection magique. Celle-ci est très directement en lien avec la fête celte de Beltaine, à tel point que certaines traditions ont été conservées telles quelles jusqu’à récemment, comme l’allumage de deux feux entre lesquels on faisait passer le troupeau pour le protéger des maladies, tradition dont a déjà parlé dans l‘article consacré à la fête celte de Beltaine. On sait que le feu, l’eau (ici bénite), sont des éléments clés de la fête celte du fait de leurs vertus protectrices et curatives. Il en est de même pour les plantes druidiques comme le sorbier dont les paysans de la société traditionnelle irlandaise donnait un coup aux vaches pour les protéger.
Toujours est-il qu’en ce premier jour de mai, plein de croyances et de superstitions, ne pas respecter les gestes de bénédiction portaient malheur.
Le "mai": branche de mai, buisson de mai et maypole
On l’aura compris, en mai, en Irlande, on ne fait pas ce qu’il nous plaît, il faut être bien protégé. Et pour cela, l’un des moyens les plus efficaces utilisés lors de la fête traditionnelle de May Day, ce sont les plantes, à travers ce que l’on appelle tout simplement « le mai » et qui peut prendre plusieurs aspects: fleurs, buisson, bouquets, hampe ou mât. Le « mai », centre des célébrations rituelles de mai dans l’Irlande traditionnelle, concentre tous les végétaux. Toutes ses formes sont le symbole d’une même réalité: la vitalité de la terre à travers les jeunes pousses car, rappelons-le, c’est à partir de May Day que tout se met à pousser!
Les branches de mai
La branche de mai était une sorte de porte-bonheur… ou l’inverse! Tout dépendait de la branche choisie. L’aubépine par exemple ou l’épine noire sont connues pour leur lien avec les fairies et ne devaient en aucun cas entrer dans la maison, de même que le genêt, l’ajonc, l’aulne, le lilas et les digitales, considérés comme de plantes de mauvais augure.
A l’inverse on ramassait des branches de sycomore, de marronnier ou de pommier qu’on déposait sur le buffet de la cuisine avec des fougères, des pissenlits, des primevères, des boutons d’or, des violettes, ou encore des jacinthes sauvages. Les fleurs rouges sont réputées porter bonheur.
Les fleurs ramassées étaient pendues à toutes les ouvertures de la maison, autour de la porte de l’étable et sur les moyens de locomotion (on en décorait même les trains!). Des fleurs étaient aussi répandues au sol dans la ferme et tressées au queues des vaches et des chevaux. On protégeait aussi les mangeoires avec en y disposant des branches de mai.
On protégeait particulièrement les jeunes filles, on verra pourquoi plus loin. Elles tressaient elle-aussi leur cheveux avec des fleurs, la veille de mai, pour se protéger des « sorcières ».
Toutes ces fleurs de protection étaient conservées tout le mois de mai jusqu’à ce qu’elles soient sèches, voire toute l’année, avant d’être brûlées, un moyen courant dans l’Irlande traditionnelle de faire fuir les maléfiques fairies.
Le moi de mai est également le mois consacré à la Vierge Marie dans la tradition chrétienne. D’ailleurs, il était courant de nommer les petites filles nées en mai du nom de Marie. Toujours est-il que la coutume veut que la Vierge vienne visiter les maisons la nuit de May Day et que les fleurs serait aussi un moyen de l’accueillir comme il se doit. Ou comment l’Église a tenté de récupérer une autre tradition païenne…
Le buisson de mai
Dans les fermes, l’une des traditions les plus connues consistaient à planter en face de l’entrée le « buisson de mai », en général une grosse branche ou plusieurs branches d’aubépine ou d’épine noire sur un tas de fumier, coupée la veille ou tôt le matin par les hommes. Vous vous souvenez que ce sont des essences plutôt craintes de par leur lien avec les fairies notamment. C’est la raison pour laquelle les branches n’étaient pas dans la maison mais plantées devant la porte. De plus, le fumier, tout comme la bouse de vache (eh oui), était considérés comme une sorte de condensé des forces liées à la terre, des éléments extrêmement positifs donc. Comme quoi…
Le buisson de mai était décoré par les jeunes filles et les enfants avec des fleurs, des guirlandes de coquilles d’œufs, des rubans ou des papiers colorés. Une procession était organisée avec l’arbre autour de la maison, accompagnée de chants et de torches pendant la nuit pour protéger tout ce petit monde des mauvais esprits.
La coutume voulait également qu’on élise une reine de mai choisie parmi les jeunes filles. Elle prenait alors part à la procession. Dans d’autres endroits d’Irlande, c’est un bébé qui était choisi comme symbole de la procession, parfois remplacé par un mannequin de paille.
La procession amenait parfois le buisson de mai à un carrefour, lieu privilégié des rencontres d’autrefois. On allumait alors un feu, on dansait autour du buisson de mai, on chantait, on jouait du violon comme savent si bien le faire les Irlandais, on sautait par dessus le feu et on mangeait avant de ramener le buisson devant la porte de la maison, sur son tas de fumier.
Vous avez peut-être remarqué que le rôle dévolu aux jeunes femmes et aux enfants est bien défini à May day. Ils ont tous le même rôle: assimilés à de jeunes pousses, ils représentent l’élan vital dont la nature va avoir besoin à partir de cette date pour pousser et donner de belles récoltes. La jeunesse des enfants et des jeunes filles – la pureté de ces dernières étant mises en avant – est censée assurer la fertilité des terres, la production de lait et l’abondance pour la communauté. C’est également la signification des sauts au dessus du feu et des danses autour du buisson: un élan vital pour donner de la force à tout ce qui doit pousser. Ce n’est pas pour rien que les danses irlandaises comprennent beaucoup de sautillements!
Le maypole
Dernière tradition en lien avec les branches « le mai »: la hampe de mai ou maypole. Simple mât décoré de cordes et surmonté d’un drapeau, il est le plus souvent installé sur une place publique et y reste bien après le mois de mai! Dans certaines régions, on danse autour toute la première semaine de mai, et on organise un grand festin à la fin de la semaine, à base de dumpling, de boxty, de beurre, de lait et d’œufs). Cette soirée festive s’achève par la danse du brandy.
Les chercheur.euses pensent que cette tradition serait issue des cercles de primevères, appelées « fleurs de coucou », qui poussent dans les prés et autours desquelles on dansait jadis.
Pour en finir avec la hampe de mai, il s’agit d’une coutume plutôt protestante donc potentiellement venue d’Angleterre et, par conséquent, assez peu adoptée par les Irlandais mais qui s’est largement exportée aux États-Unis et en Australie.
Le surnaturel à May Day: fairies, sorcières, lièvres magiques et piseoga
Des plantes, de l'eau et des escargots: la divination à May Day
Si vous avez lu l’article sur Halloween, vous vous souvenez sans doute que lors du nouvel an celte, les forces surnaturelles sont particulièrement présentes et actives. Il n’est pas étonnant qu’à May Day, son pendant, il en soit de même. Et si Halloween est le moment-clé de l’année pour faire de la divination, May Day a également quelques traditions, toutefois mois ancrées.
Sans grande surprise et tout comme à Halloween, la divination était principalement pratiquée par les jeunes filles pour découvrir l’identité ou des informations sur leur futur époux. L’autre information donnée était le présage de mort…
Dans plusieurs régions d’Irlande, on pratiquait la divination avec des… escargots! Il existe beaucoup d’exemples. L’un d’entre eux consiste à aller chercher le matin du 1er mai des petits escargots appelés dructini. La couleur de l’escargot trouvé (blanc ou noir) renseigne sur la couleur de cheveux du galant! On peut aussi observer les traces laissées par un escargot dans la farine placée sur une assiette.
La fleur d’achillée, déjà utilisée à Halloween pour la divination à propos des mariages, a également un rôle dans les divinations de mai. La plante est ramassée la veille du 1er mai au coucher du soleil avec des incantations. On en cueille 10 brins: l’un est jeté par dessus l’épaule gauche, les autres sont fourrés dans une chaussette placée sous l’oreiller pour permettre à la jeune fille de rêver de son futur mari.
Comme à Halloween on peut tenter d’apercevoir le visage de son futur époux dans une source le matin du 1er mai ou dans un miroir.
Enfin, il faut ajouter des pratiques en lien avec le coucou, un oiseau plein d’ambiguïté tout comme May Day est une fête où tout peut arriver, la fertilité et l’abondance comme la maladie et la mort. En Irlande, le moi de mai est d’ailleurs appelé le « mois du coucou ». En France, entendre le coucou porte malheur mais le voir porterait bonheur. Personnellement, je connais une autre version: ma grand-mère du Berry, quand nous allions cueillir du muguet dans les bois le 1er mai, disait toujours qu’il fallait prendre de l’argent sur soi car si on entendait le coucou chanter le 1er mai avec de l’argent en poche, on en aurait toute l’année!
Les croyances et les interdits de May Day
Mai, dans l’Irlande traditionnelle, est un mois propice à ce que l’on pourrait appeler des superstitions. Comme pour le temps, Halloween et May Day sont des moments-clés où il faut faire particulièrement attention à sa santé car, si les vertus et les pouvoirs curatifs des éléments sont décuplés en mai, présageant de grandes chances de guérison, les risques de maladie et de mort son également accrus. D’où l’adage « May kills and cure ».
En cela, May Day reprend les problématiques celtes et même préceltiques où l’attention était focalisée sur la santé des bêtes et des hommes au moment de la transhumance. Les priorités de la société traditionnelle irlandaise, essentiellement rurale, n’ont finalement que peu changé.
C’est la raison pour laquelle on trouve bon nombre de croyances et d’interdits pour le mois de mai, tous en lien avec la santé, la fertilité et l’abondance.
Il ne faut par exemple pas tomber malade en mai et encore moins le premier jour de mai: que ce soit les personnes ou le bétail, cela signifie que la maladie s’installera pour tout le mois de mai ou qu’elle ne guérira pas. Gloups.
Il ne faut pas se baigner dans la mer ou la rivière mais les sources, à l’inverse, ont des capacités curatives extraordinaires à cette date.
Ce n’est pas tout. Les fairies sont de sortie en mai et jouent de mauvais tours. On les rend d’ailleurs responsables des maladies. Beaucoup de croyances sont liées à leur côté maléfique. Ainsi, il ne faut pas dormir dehors le 1er mai, cela rendrait simple d’esprit, sauf si on dort sur de la terre rouge, c’est-à-dire cultivée ou sur du jonc vert.
On le verra par la suite avec les piseoga, mais l’autre grande peur des paysans irlandais à May Day, c’est de se faire voler le lait et le beurre. Non pas un vol classique avec effraction, non, un vol lié à l’abondance: on pense en effet qu’une personne mal intentionnée peut voler la capacité d’une vache à donner du lait, la capacité du lait du voisin à donner du beurre ou encore celle d’un champ à donner une belle récolte, en détournant cette capacité à son propre profit. Le 1er mai, on tente donc de prévenir plutôt que de guérir: on évite de rencontrer des étrangers et on surveille les alentours, on se méfie dès que quelqu’un marche dans son champ ou dans les fossés qui le bordent. On s’alarme si quelqu’un ramasse des herbes sur notre propriété ou rôde autour du bétail. On n’invite personne à la maison de peur que le visiteur nous vole notre chance.
Il existe aussi beaucoup de croyances et d’interdits liés au travail. On ne laboure pas à May Day de crainte de libérer les esprits malins qui vivent sous terre, ce qui explique que ce soit souvent un jour chômé. Selon les comtés d’Irlande on enferme le bétail ou on le laisse à l’extérieur: s’il est à l’extérieur, on laisse les portes de l’étable grande ouverte la nuit pour faire entrer la chance mais, dans d’autres comtés, on préfère enfermer les bêtes de peur qu’elles ne se blessent pendant la nuit du 1er mai, jour néfaste pour la santé à long terme.
On évite d’avoir à faire quoi que ce soit avec l’argent car donner de l’argent le 1er mai fait partir la chance. On n’achète rien de neuf et si notre chaussure se délace le matin… il ne faut pas la relacer avant le soir!
Malheureusement, beaucoup de croyances sont sexistes. Ainsi, voir une femme rousse le jour de mai (et ce n’est pas rare en Irlande!) porte malheur alors que voir un homme roux porterait bonheur. De même pour la première personne à entrer dans la maison: elle porte malheur seulement si c’est une femme…
Enfin, de nombreuses croyances et interdits touchent les enfants et les jeunes filles pour des raisons que nous avons déjà évoquées: leur assimilation à la terre en ce mois où tout pousse. On interdisait ainsi aux enfant de s’asseoir dans l’herbe. Il était également interdit de se marier en mai. Outre que cela est considéré comme irréligieux de se marier le mois consacré à la Vierge Marie, l’Irlande traditionnelle considère qu’un mariage en mai (consommé bien sûr) épuiserait la force vitale contenue dans la terre. On dit ainsi qu’un mariage célébré en mai sera malchanceux, sans enfant ou très court.
Cela explique aussi pourquoi on a tant de récits d’enlèvement d’enfants et de jeunes filles par les fairies en mai. Même si, dans les croyances issues des celtes dont les anciens irlandais étaient dépositaires, ces enlèvements enrichissent l’Autre-Monde (de même que la mort!). Et comme c’est de cet Autre Monde que vient la fécondité dont les humains ont besoin… la boucle est bouclée.
Terminons enfin en signalant quelque chose de positif: les personnes nées en mai seraient dotées de pouvoirs particuliers et bénéficieraient de beaucoup de chance. Concernant le bétail né en mai, c’est encore une fois très ambigu: soient ils seront bénis, soit ils ne passeront pas le mois?
Les piseoga: les sorts et malédictions de May Day
Je l’ai évoqué un peu plus haut, la croyance selon laquelle on peut voler du lait et du beurre et surtout être volé le 1er mai est très importante dans l’Irlande traditionnelle. C’est une opération de transfert: d’un côté les pis de la vache sont taris, tandis que de l’autre, la production est accrue. De fait, quand les vaches donnaient moins de lait ou quand on n’arrivait pas à faire de beurre, on concluait que quelqu’un avait jeté un sort, un piseog.
La légende du lièvre-trayeur
Intriguant ce titre, n’est-ce pas?
La légende bien connue en Irlande du lièvre trayeur (Milky Hare), qui connaît de très nombreuses versions, est un très bon exemple des croyances irlandaises en termes de vol de lait et de surnaturel.
Les nombreuses versions de ce conte sont brodées sur une même trame: un lièvre est trouvé le matin du 1er mai en train de téter le pis d’une vache. Il est chassé et blessé, le plus souvent par un coup de fusil. Il parvient à s’enfuir mais lorsqu’il est finalement rejoint par ses poursuivants, ceux-ci découvre une femme, le plus souvent âgée, ensanglantée à l’endroit où le lièvre a été blessé.
La légende veut d’ailleurs que si on asperge un lièvre dans un champ, il reprend sa forme originelle de sorcière venue voler le lait. C’est la raison pour laquelle le 1er mai on enfermait les vaches ou bien on faisait en sorte de les faire changer de champs, car tout ce qui touche au lait est en lien avec la santé des vache, elle-même rattachée à l’abondance tant attendue.
Il est important de noter que les irlandais ne chassent pas le lièvre au fusil mais les font souvent poursuivre par les chiens. On sait par ailleurs que le lièvre était frappé d’interdit chez les Celtes de Bretagne et d’Irlande: on en élevait, mais on ne le mangeait pas!
En France, des légendes similaires existent mais mettent en scène un serpent. L’histoire irlandaise nous dit qu’il n’y a pas de serpent en Irlande car saint Patrick les aurait fait tous fuir. Toujours est-il que le lièvre et le serpent ont des points communs: animaux lunaires, représentants de l’au-delà, ils sont un symbole d’immortalité et de régénération. Les Celtes ne sont encore pas très loin dans cette histoire….
Les piseoga: des sorts pour voler le lait, le beurre et la chance
Pour se prémunir de tout vol, le jour de May Day, on évitait de prêter du beurre, du lait et des œuf la veille. Toutefois, parfois, cela ne suffisait pas et il existe un nombre impressionnant de techniques magiques pour piquer l’abondance du voisin. En voici un petit florilège.
L’entrave qui sert à lier les pattes des vaches pendant la traite est utilisée pour voler le lait et « appeler » le beurre, selon l’expression consacrée. Pour cela il faut voler celle du voisin, donner un coup avec cette entrave aux vaches visées et la passer sur leur dos ou bien encore la traîner dans la rosée.
Nous le verrons plus loin mais la rosée a beaucoup de vertu. D’ailleurs, on considère qu’il suffit de marcher dans la rosée du champ de la personne visée, la ramasser avec un linge ou une corde pour lui voler son lait. L’eau du puits a la même propriété mais ça demande un peu plus de travail: il faut écumer l’eau du puits du voisin avec une corde à sept nœuds (c’est précis) ou une branche de fougère que l’on secoue dans le seau qui servira à traire les vaches. Pourquoi utiliser une corde? Symboliquement la corde est tout simplement rattachée à la notion de lier le profit (celui d’autrui en l’occurrence). Par contre, sachez-le, il paraît que le beurre fait avec du lait volé a un drôle de goût…
Il y a des moyens beaucoup plus glauques pour augmenter son rendement: la tradition irlandaise raconte que si on met la main d’un mort dans la baratte, on pourra y faire plus de beurre. À croire qu’il était facile de trouver ce genre d’artefact… Ce type de procédé n’est sans doute pas dû au hasard et prend ses racines une nouvelle fois chez les Celtes où la main était le symbole de la prise de possession et avait une valeur magique à tel point que la souveraineté en dépendait parfois comme le montre les mythes irlandais.
Terminons enfin avec les gens qui n’aimaient vraiment, vraiment pas leurs voisins: ils dissimulaient dans les champs de pommes de terre et dans le foin de leurs victimes des œufs ou enterraient des morceaux d’animaux morts pour attirer le malheur sur le bétail. Certain.es allaient jusqu’à badigeonner les portes des étables de beurre rance pour faire mourir les vaches!
Les contre-sorts pour protéger
Heureusement, à tout sort il existe un contre-sort!
Le meilleur des contre-sorts reste encore de prévenir toute intention malveillante. On a vu tout à l’heure les techniques de bénédiction qui servaient à protéger le champs et les bêtes. On tressait la queue des vaches avec des brindilles de sorbier et un ruban rouge. Le sorbier, plante des druides… Les fleurs accrochées un peu partout et répandues au sol sont là aussi pour ça. La baguette de noisetier qui sert à guider les vaches le 1er mai a également des vertus protectrice. Rappelons que l’instrument des druides étaient d’ailleurs la baguette. Pas de hasard…
On utilise aussi le feu. Un peu partout en Irlande on retrouve la tradition de brûler quelques poils du pis de la vache pour protéger le lait. On a vu qu’on pouvait frotter le pis avec de la ciguë ou de la bouse dont on a vu les vertus précédemment. On pouvait également passer de la cendre sur les dos des vaches.
On utilise beaucoup la circumambulation, c’est-à-dire le fait de tourner autour de quelque chose pour le protéger et créant une limite magique infranchissable. Pour cela on utile le principe celte: on marche dans le sens du soleil pour un effet bénéfique. Ce principe de marcher en rond se retrouve dans la danse du buisson de mai!
La baratte, réceptacle de l’abondance laitière, est particulièrement protégée en ce dangereux jour du 1er mai, avec des plantes.
Il existe même des techniques pour trouver les voleurs: l’une d’entre elles demande l’aide d’un forgeron dont le fer rougi fera ressentir d’horribles brûlures au coupable, obligé de se dénoncer pour faire cesser la douleur.
Enfin, on utilise beaucoup le sel, que l’on met un peu partout (dans les seaux vides, dans les sources et même dans le lait). Le sel prévient ou casse les piseoga. Son incorruptibilité en fait l’instrument parfait de contre-sorcellerie. Il était d’ailleurs très utilisé dans la médecine traditionnelle irlandaise.
Bref, vous l’avez compris, en ce jour de 1er mai, on faisait la fête mais on se méfiait aussi beaucoup des autres. Le piseog était toutefois le plus souvent réalisé par une personne dédiée, sorcier, sorcière, une figure qui, finalement se noie dans la masse des entités surnaturelles qui se déploient dans le paysage irlandais en ce jour de May Day.
Fairies, sorcières et piseoga: le surnaturel dans les traditions irlandaises du 1er mai
Esprits, sorciers, voisins jeteurs de sorts, puissances maléfiques… tout se mélange un peu en ce jour de May Day et il y a clairement une ambivalence entre les fairies et celles que l’on appelle les sorcières.
On l’a déjà évoqué, le mois de mai est une période critique, pleine d’espérance et de risques en lien avec la croissance des céréale et la santé des bêtes. C’est aussi et surtout une période de grande angoisse car elle est synonyme de pénurie et donc de faim pour le paysan et sa famille dont le stock de vivres pour l’hiver touche à sa faim. Les travaux pénibles aux champs ont repris, alors on s’inquiète pour sa santé.
Dans ce climat, la croyance aux fairies s’épanouit car ces êtres surnaturels possèdent à la fois un côté maléfique, jeteurs de sorts, kidnappeurs et un côté bénéfique car ils font partie de cette énergie fécondatrice propre à assurer la régénération de la terre.
Les fairies à May Day
Parmi les trois nuits propices aux manifestations des fairies, la veille de May Day était sans doute la pire, devant Halloween et Saint Brigid’s day. En cette veille de mai, les fairies font en effet le programme de l’année entière et ont donc fort à faire. Minuit est leur heure, donc mieux vaut ne pas s’aventurer dehors, près de leurs lieux de prédilection comme les forts, les raths et autres tertres naturels très nombreux en Irlande.
Le risque le plus courant est celui, comme à Halloween, d’être enlevé.e. Vous l’aurez sans doute compris maintenant, en ce jour de 1er mai, les enfants et les jeunes filles sont particulièrement visés. C’est pourquoi on interdisait aux enfant de rester dehors tard, on leur faisait porter des vêtement rouges, couleur protectrice ou on attachait à leurs habits un petit sac de chiffon avec un mélange de sel et d’avoine. Pour protéger les bébés, on les habillait de rouge également et on mettait des pincettes de fer en travers de leur berceau. Je ne reviendrai pas sur la pratique du changeling que j’ai développé dans l’article concernant les traditions irlandaises d’Halloween mais vous ne serez pas étonné.es de savoir qu’elles avaient cours aussi à May Day. Le mieux était encore de se coucher tôt et de rester silencieux pour ne pas les attirer.
On racontait toutefois que, si on souhaitait récupérer quelqu’un qui avait été enlevé par les fairies et emmené à Fairyland, il fallait se présenter dans leur domaine et attendre le douzième coup de minuit avant le 1er mai, moment où les fairies se relâchaient, pour réclamer la personne enlevée. Les fairies étaient alors obligées de la rendre.
Les combats de fairies étaient légion à May Day, faisaient beaucoup de dégâts dans les champs et tuaient le bétail. Sans compter le coup de vent des fairies qu’on a évoqué et qui était particulièrement redouté.
Vous vous souvenez peut-être qu’à Halloween, il fallait faire attention de ne pas se trouver sur un chemin des fairies parce que c’est le moment où elles déménagent. Eh bien c’est la même chose à May Day: elles prennent leur quartier d’été!
Enfin, les fairies ont deux autres passions la veille de May Day: la danse et le sport! La danse des fairies est très connue, c’est un des moyens dont ces créatures usent pour enlever les gens, en les faisant danser avec elles. On dit qu’au clair de lune, à May Day, elles font du hurley (sans doute le hurling moderne) et… jouent au football!
Toutefois, toutes les fairies ne sont pas maléfiques. Certaines histoires racontent que des fairies ont offert un grand talent musical aux humains croisés le 1er mai…
Toujours est-il qu’on se prémunit des fairies autant que faire se peut la veille et le jour de May Day. Le sol jonché de fleurs, c’est aussi pour les empêcher d’approcher l’étable et le passage du bétail entre les feux relève de la peur du surnaturel.
On prend également les même précautions qu’à Halloween: on évite de jeter de l’eau sale, les cendres ou des balayures dehors, de peur d’arroser des fairies qui passeraient par là. D’une manière générale on évite carrément de nettoyer la maison la veille et le jour de mai. On prépare de petites attentions pour les fairies, comme à Halloween: nourriture, lait, pain ou simplement une cruche d’eau. Tout ce qui tombe par terre pendant le repas du soir la veille du 1er mai ne doit pas être ramassé et leur est destiné.
La protection des vaches, des étables etc. dont on a longuement parlé est aussi en lien avec la crainte des fairies. D’ailleurs, si le lait était mauvais, on le jetait par dessus un buisson d’aubépine (le buisson des fairies), dans un geste qui tient autant de l’offrande que de la conjuration.
La nuit de Walpurgis en Allemagne et les fairies en France
Comment parler du 1er mai sans évoquer la nuit de Walpurgis? Je ne reviendrai pas sur les légendes liées aux sorcières, Priscille Lamure le fait bien mieux que moi dans son article dédiée à la nuit de Walpurgis que je vous invite à lire. La nuit de Walpurgis, celle du 30 avril au 1er mai, a été attribuée aux sorcière par la christianisation : on racontait qu’elles se réunissaient sur le mont Blockberg ou Brocken du massif de Harts pour sacrifier des humains ou pratiquer des danses échevelées. Afin de détourner leurs ouailles des anciens cultes, les autorités chrétiennes ont mis en place des célébrations qui consistent à allumer des feux de joie et à brûler des effigies de paille représentant les sorcières. On remarquera que, bien malines, elles ont repris des éléments caractéristiques des cultes qu’elles combattaient pour les intégrer dans les leurs (le feu de protection étant le plus évident…).
Rappelons aussi que le même terreau fertile de croyances existait en France. Les fairies faisaient encore partie du paysage familier hexagonal jusqu’au XIXe siècle et furent remplacée.es par les sorciers à l’ère industrielle. D’ailleurs, en France, pour la Saint-Jean (qui a héritée des caractéristiques de Beltaine), les jeunes gens des campagnes avaient l’habitude de cacher le matériel de labour ou ménager pour le déposer autour du mai ou le cacher, reprenant ainsi une tradition liée à la nuit de la confusion de Samain (Halloween), le pendant de May Day et l’autre moment de l’année où le monde est envahi par le surnaturel.
La Nature à May Day ou la survivance de Beltaine
On l’a longuement évoqué dans l’article consacré à la fête celte de Beltaine : les éléments sont indispensables lors de la célébration du 1er mai, l’eau et le feu en premier lieu. La tradition a perduré et traversé les siècles malgré la christianisation, revêtant là encore la forme de gestes de protection ou de superstitions dans les traditions irlandaises.
La guérison par l'eau
Cathair Crobh Dearg et l'eau magique des sources
L’eau est un élément qui prend un place importante dans la célébration du May Day en Irlande, car l’eau, dont les capacités sont plus actives que d’habitude en ce jour particulier (comme à Halloween), est le support d’invisibles forces bienfaisantes… ou malfaisantes une fois encore.
L’eau des sources est sans doute la première à être investie de ces pouvoirs. Il existe en effet un très grand nombre de sources sacrées en Irlande, près desquelles on partait en pèlerinage le jour de mai. Le plus souvent, on tournait autour de la source (la fameuse circumambulation pour créer une frontière magique) et on faisait un vœu, surtout si on y voyait une anguille ou une truite.
L’eau des sources était connue pour avoir de puissants pouvoirs de guérison, décuplés en ce 1er mai. L’une des sources les plus connue d’Irlande se nomme Cathair Crobh Dearg dans le comté de Cork, connue sous le surnom de « The City ». C’est la plus réputée pour soigner les animaux et les paysans y amenaient leur bétail à chaque 1er mai. Elle est tellement connue que des vendeurs ambulants s’y installaient et on y dansaient toute la nuit! L’histoire de cette source est liée à celle de trois sœurs d’un village nommé Cullen. Chacune de ces sœurs a sa propre fête qui tombe sur un jour d’ouverture de saison. Sachant que sur le lieu de la source est érigée une forteresse de pierres préhistoriques, une pierre levée et que le nom de la source n’est pas en lien avec un personnage saint chrétien, on peut en déduire que son pèlerinage est fort ancien. Les trois sœurs ne sont d’ailleurs pas sans rappeler une déesse triple celte (et sans doute préceltique) dont nous avions déjà longuement parlé pour Imbolc: Brigid, la déesse à la triple fonction de protection des poètes, des forgerons et des médecins. Et ça tombe bien, puisque le but de ces sources, c’est de soigner!
On retrouve ici la conception du pouvoir de l’eau tel que les Celtes l’envisageaient (rendez-vous dans l’article consacré à Beltaine, je vous y explique tout!). Ceux-ci connaissaient très bien les vertus de l’eau, notamment l’eau thermale, à tel point que toutes les sources étaient sacrées en Gaule, sous la protection du fameux Belenos sur lequel je suis également longuement revenue dans l’article précédent. Rappelons seulement que ce dieu n’est sans doute en fait qu’une évolution de la fameuse déesse mère préceltique que l’on retrouve dans la déesse Brigid, la triple déesse de cette fameuse source de The City en Irlande. Encore une boucle de bouclée!
Pour clore le chapitre des sources, notons qu’en France, des pèlerinages aux fontaines saintes avaient lieu le 1er mai ou à la saint-Jean, de nouveau, pour la guérison ou pour la fertilité.
La première eau de May Day
Si les sources sont très importantes, l’eau des puits ne l’est pas moins!
Le 1er mai, au petit matin, les femmes irlandaises cherchaient à être les premières au puits (ou à la source aussi d’ailleurs), car, ainsi, elles seraient les premières toute l’année.
Le concept de première eau est très important. On dit ainsi que la première pluie de mai guérit tous les maux.
Le problème des puits domestiques, c’est qu’ils sont facilement la cible des piseoga. Pour se prémunir, on ferme son puits, on en bloque la pompe, on le saupoudre de sel ou on place des objets en fer à l’intérieur
En France, les puits étaient traditionnellement nettoyés par des jeunes filles (vu la date, ce n’est pas très étonnant), décorés de fleurs et de branches. Le pouvoir des eaux étaient réputé être décuplé la veille et le jour de la saint-Jean, qui est décidément, notre May Day à nous!
Un petit mot sur le lait, souvent assimilé à l’eau d’un point de vue symbolique. On sait que les Celtes utilisaient le beurre comme un onguent. Une tradition qui semble avoir perduré puisqu’on a retrouvé cette utilisation en Bretagne, dans le Berry et le Nivernais.
La rosée de May Day
Last but not least, la rosée de May Day est connue pour ses nombreuses vertus.
Elle augmente le pouvoir curatif des herbes ramassées le 1er mai mais elle est surtout connue pour ses vertus cosmétiques: la rosée du petit matin du 1er mai serait très bonne pour le teint, pour préserver la blancheur des mains mais aussi pour prévenir les brûlures du soleil et les maux de tête. Y marcher pieds nus guérit les cors et porte bonheur! On la boit pour la chance mais, comme pour tout en ce 1er mai, elle peut aussi porter malchance car elle renforcent le pouvoir des jeteurs de sorts et permet d’appeler la chance de quelqu’un d’autre si on boit la rosée de son champs!
Le feu sacré de la maison
Le feu est l’autre élément-clé de Beltaine, bien plus ambivalent encore que l’eau. Dans la société traditionnelle irlandaise, le feu a un potentiel magique toute l’année, particulièrement dangereux à May Day, à tel point que le forgeron est souvent en vacances lui aussi à cette date!
Le matin du 1er mai, en Irlande, on n’utilise pas les braises du feu de la veille pour rallumer le feu: on en allume un nouveau. Ça vous rappelle quelque chose? C’est normal, ça vient de l’interdiction celtique d’allumer un feu le jour de Beltaine car seuls les druides avaient le droit de le faire.
Une autre tradition irlandaise semble faire écho à ces temps anciens. À May Day, on laisse couver les braises pour ne pas faire sortir de fumée par la cheminée. Pourquoi? Parce que si quelqu’un voit la fumée sortir de chez vous, il peut, grâce à celle-ci « appeler » le beurre qui sera fait avec le lait de vos vaches. On raconte aussi que le diable s’installe pour un an dans la maison d’où la fumée s’échappe en premier. Cela aussi doit vous rappeler l’article sur Beltaine. On sait en effet que la fumée était un élément magique manié par les druides. D’ailleurs, l’une des façons de se prémunir de ce genre de désagrément était de faire brûler une branche de sorbier, la plante des druides. Ainsi, c’est la fumée du sorbier qui sort de la cheminée et personne ne peut vous piquer votre beurre. Cette peur que la fumée du foyer ne soit vue remonte peut-être également jusqu’aux Celtes qui condamnaient à mort tous ceux qui allumaient un feu le 1er mai.
De manière générale, il ne faut pas faire sortir le feu de la maison à May Day, sous aucune forme: que ce soit des cendres, des braises ou même le feu d’une pipe! car si le feu sort, la chance aussi.
Mais comme à May Day, il y a toujours deux possibilités, le feu qui inquiète guérit aussi. Ce sont les feux entre lesquels on fait passer le bétail, ce sont les feux de joie allumés aux carrefours ou sur la place du village et, en France, ce sont les feux de la Saint-Jean. Ceux-ci étaient traditionnellement allumés à partir de végétaux, érigés près d’un mât (souvent un arbre) auquel est attaché un bouquet, une couronne, une croix de fleurs, après une procession qui allait de l’église au bûcher. On dansait en rond autour du feu, on sautait au dessus, on marchait dans le feu quand il est presque éteint et on y faisait passer les animaux, tout comme en Irlande!
Les plantes médicinales de May Day
Le rôle joué par les plantes le jour de May Day en Irlande n’a, là encore, rien d’étonnant: la médecine celtique se servait beaucoup des herbes médicinales (tout comme Panoramix et sa manie de couper du gui, la plante qui guérit tout). La particularité de May Day est de décupler le pouvoir de ces plantes, notamment grâce à la rosée.
Le ramassage était très important et, selon les endroits d’Irlande, devait ou ne devait pas être fait par les enfants et les jeunes filles: ils ont des relations privilégiées avec l’Autre Monde mais sont aussi des proies de choix pour les fairies.
On pensait également que les végétaux étaient des lieux de résidence de prédilection des âmes errantes, le séjour des morts et les espaces dédiées aux fairies.
Le moment du ramassage était aussi très précis: la veille du 1er mai après le coucher du soleil, la nuit de May Day, avant le lever du soleil ou bien encore lors de la nouvelle lune de mai. Un ramassage qui devait se faire dans un silence total.
Les plantes ramassées étaient utilisées pour des soins donnés sous forme de tisane, de cataplasme, de décoction ou de liqueur. Les racines de fleurs étaient consommées grillées et constituaient des remèdes de choix contre les verrues et les maladies de peaux.
Parmi les plantes stars du 1er mai on a le cresson, la citronnelle, la consoude, la cigüe d’eau ou encore des plantes appelées « Robin run the hedge » et la « feuille de saint Patrick ».
Mais LA plante du 1er mai, c’est l’ortie. On lui attribue de grands pouvoirs de guérison. La tradition irlandaise veut qu’on se pique les uns les autres avec des orties à May Day. Il faut en manger trois fois dans le mois de mai en commençant par le 1er mai pour s’assurer une bonne santé. On peut la boire en bouillon ou l’accrocher au dessus des portes. Sans grande surprise, l’ortie fait partie des plantes importante de la Saint-Jean en France.
Enfin, rappelons toutes les coutumes avec les fleurs que l’on a vues au début de cet article qui protège des maladies et des fairies.
Pour la petit histoire, sachez que le prunellier (appeler aussi épine noire ou blanche) est connu des chercheur.euses, pour avoir été la première plante commune dans le paysage préhistorique irlandais cultivée suite aux coupes forestières des premiers cultivateurs. Ces plantes aussi vieilles que leur territoire sont devenues naturellement la demeure attitrée des fairies, réminiscence des entités celtes et garantes de la régénérescence du sol à chaque premier mai.
Nous voilà (enfin!) à la fin de cet article. Comme le montrent les autres fêtes traditionnelles d’Irlande, la paysannerie irlandaise est dépositaire de l’ancienne tradition religieuse druidique même si c’est de façon morcelée avec des rituels qui ont perdu leur sens originel. C’est toutefois grâce à ces traditions que l’on peut retrouver les rituels des civilisations antérieures. May Day ne déroge pas à la règle: parallèle parfait de l’Halloween irlandaise, la célébration du 1er mai montre que le rythme Beltaine/Samain celte est toujours respecté.
Même la France a conservé pendant longtemps ces coutumes celtes avec les traditions de la Saint-Jean.
Reste à savoir maintenant comment on peut fêter Beltaine dans nos sociétés modernes. Rendez-vous dans le prochain article!
Hisae
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Sources
- Véronique Guibert de la Vaissière, Les quatre fêtes d’ouverture de l’Irlande ancienne, Editions Armeline, 2013.
2 comments
Laura
Un chouette article qui m’a appris plein de choses et qui a réveillé de jolis souvenirs de la campagne, merci! 🥰
Cécile RanvierAuthor
Avec plaisir! Bon 1er mai à toi!